Vers un nouveau modèle d’insurrection de déni de pouvoir central dans les sociétés segmentaires : le cas somalien

La Somalie offre un cas intéressant d’insurrection dans une société segmentaire. Contrairement aux insurrections africaines de l’ère de la décolonisation, puis de la Guerre froide, il s’agit moins de conquérir un pouvoir central inexistant, que d’interdire toute émergence d’un système politique centralisé fort. Les échecs successifs de reconstruction de l’État somalien s’expliquent par la résistance de la société organisée en clans rivaux et déchirée par les luttes entre seigneurs de guerre. Confrontée à cette situation, la communauté internationale n’a guère d’instrument d’intervention. Elle ne peut pratiquer les stratégies de contre-insurrection utilisées dans le passé, en raison de leur inadaptation aux sociétés segmentaires. En effet, ces stratégies impliquent l’existence d’un État suffisamment puissant pour les mettre en œuvre et sont concentrées sur la restauration de la légitimité gouvernementale par la reconquête des territoires gagnés aux insurgés et le contrôle des populations perdues. Le cas somalien indique plutôt l’existence d’un nouveau modèle insurrectionnel, propre aux sociétés segmentaires, qualifié de « déni de pouvoir central », dans lequel des acteurs armés tribo-claniques tentent de préserver un système politique décentralisé au nom d’un principe de légitimité communautaire, étranger à celui de l’existence d’un État.